Malbroughs’en va-t-en guerre, ne sait quand reviendra (bis) Il reviendra-z-à Pâques, mironton, mironton, mirontaine Il reviendra-z-à Pâques, ou à la Trinité (bis) La Trinité se passe,, mironton, mironton, mirontaine, La Trinité se passe, Malbrough ne revient pas (bis) Madame à sa tour monte, mironton, mironton, mirontaine, PartitionMalbrough s'en va-t-en guerre . Vous pouvez vous procurer la partition de Malbrough s'en va-t-en guerre sous forme de fichier midi (midifile) en vous rendant à la boutique des comptines enfantines.Chaque chanson est proposée dans sa version chantée en mp3, version instrumentale mp3, paroles et partition de chaque instrument dans un fichier midi. Mironton mironton, mirontaine, Quittez vos habits roses, Et vos satins brochés. Monsieur Malbrough est mort, Mironton, mironton, mirontaine, Monsieur Malbrough est mort, Est mort et enterré. J' l'ai vu porter en terre, La suite des paroles ci-dessous. Malbrough s’en va-t-en guerre » Les paroles dateraient de la bataille de Malplaquet, qui a eu lieu le 11 septembre 1709 dans les Pays-Bas espagnols, au cours de la guerre de Succession d’Espagne qui opposa la France aux coalisés autrichiens, hollandais et anglais. Le général John Churchill, premier duc de Marlborough, y fut grièvement blessé. Malbroughs'en va-t-en guerre. Ne sait quand reviendra (3X) Il reviendra z'à Pâques. Mironton mironton mirontaine. Il reviendra z'à Pâques. Ou à la Trinité (3X) La Trinité se passe. Mironton mironton mirontaine. PartitionMalbrough s'en va-t-en guerre. Vous pouvez vous procurer la partition de Malbrough s'en va-t-en guerre sous forme de fichier midi (midifile) en vous rendant à la boutique des comptines enfantines. Chaque chanson est proposée dans sa version chantée en mp3, version instrumentale mp3, paroles et partition de chaque instrument dans un a4zKrQ. Malbrough s'en va-t-en guerre Origine Cette chanson traditionnelle française fut connue à partir de 1781. Elle a plusieurs origines et viendrait d'Orient puis fut transformée par les Anglais. Malbrough s'en va-t-en guerre Les paroles Malbrough s'en va-t-en guerre Mironton, mironton, mirontaine Malbrough s'en va-t-en guerre Ne sait quand reviendra Ne sait quand reviendra Ne sait quand reviendra Il reviendra à Pâques Mironton, mironton, mirontaine Il reviendra à Pâques ou à la Trinité Ou à la Trinité Ou à la Trinité La Trinité se passe Mironton, mironton, mirontaine La Trinité se passe, Malbrough ne revient pas Malbrough ne revient pas Malbrough ne revient pas Madame à sa tour monte Mironton, mironton, mirontaine Madame à sa tour monte, si haut qu'elle peut monter Si haut qu’elle peut monter Si haut qu’elle peut monter Beau page, mon beau page Mironton, mironton, mirontaine Beau page, mon beau page, quelles nouvelles apportez ? quelles nouvelles apportez ? quelles nouvelles apportez ? Monsieur Malbrough est mort Mironton, mironton, mirontaine Monsieur Malbrough est mort, est mort et enterré Est mort et enterré Est mort et enterré La chanson de Malbrouck, un objet ambigu 1La chanson de Malbrouck, dans sa version la plus courante, compte vingt-deux couplets. Elle raconte l’histoire d’un soldat qui part à la guerre et reviendra à Pâques ou à la Trinité ». Sa femme l’attend et monte à sa tour pour guetter son retour, mais le temps passe et Malbrouck ne revient pas. Un page vient enfin annoncer à sa femme qu’il est mort et enterré » et raconte la cérémonie funèbre. Celle-ci faite, chacun s’en va coucher, seul ou avec sa femme, conclut la chanson. 2Ce qui caractérise cette chanson, c’est son ambivalence elle est sérieuse et triste pour les uns, gaie et parodique pour les autres. Sa fin la tire effectivement du côté du comique, et la plupart des commentateurs Du Mersan, T. Nisard, G. Doncieux, P. Coirault, H. Davenson se sont demandé si les deux derniers couplets étaient originaux ou s’ils n’avaient pas plutôt été ajoutés à une chanson funèbre, dans une intention ironique. Dans ce cas, d’ailleurs, il pourrait aussi bien s’agir d’un ajout postérieur d’un second auteur – moins populaire que l’hypothétique premier auteur, car les lettrés ont parfois ironisé sur la poésie du peuple – que de la conclusion d’un poète populaire, qui aurait lui-même satirisé Coirault, 1942 118, note. Selon Doncieux Doncieux, 1904 455, ce sont trois couplets évidemment parasites », mais ils appartiennent à la version la plus commune de la chanson, véhiculée notamment par l’imagerie d’Epinal. Couplets rajoutés ? couplets censurés ? On ne le sait pas bien. 3La forme de la chanson est tout aussi incertaine, puisqu’on peut la caractériser à la fois comme une complainte, comme une marche, ou comme une ronde, si l’on prend ces catégories dans le sens que leur donne Davenson, qui distingue essentiellement les complaintes ou récits continus, et les rondes ou chansons à danser, que caractérise la présence d’un refrain Davenson, 1946 17. C’est une chanson en laisse, avec des effets de répétition qui facilitent la mémorisation. Doncieux la classe pour sa part dans les chansons à danser Doncieux, 1904 455. 4Enfin, ce qui fait la chanson, c’est d’abord son air ; il y a primauté des paroles, mais antériorité de l’air » Coirault. Comme le disait déjà de Coussemaker La mélodie joue incontestablement un rôle considérable et quelquefois même le rôle principal dans les chants populaires ; il n’est point de chant populaire proprement dit sans mélodie » Cheyronnaud, 1997 74. Tous les collecteurs de chansons savent bien cependant que, dans celles-ci, la mélodie vient d’ailleurs. L’air est toujours un timbre une mélodie empruntée, et beaucoup de chansons folkloriques ont délaissé leur premier timbre, ou la tradition l’a modifié. C’est aussi le cas de celle de Malbrouck. 5Ce que l’on peut dire de l’air de cette chanson, c’est qu’il comporte des intervalles inhabituels, et souligner l’importance du refrain dans la structure, refrain en onomatopées, dont le sens échappe, mais qui imite apparemment le son d’instruments, en l’occurrence ici le son rauque, sourd, et voilé que rendaient les trompes, cormes et cornets à bouquin des anciens temps, instruments qui s’employaient pour la chasse comme pour la danse » Kastner, 1849. Selon Doncieux, il s’agit d’une sonnerie de cor », à peu près constante dans la tradition française. Par ailleurs, l’air est bien rythmé à 6/8, sautillant et alerte. 6Ainsi, que l’on en considère le thème, les paroles, le sens, la forme ou l’air, on doit reconnaître que la chanson de Malbrouck est un objet difficile à cerner, mobile ; cependant, elle est courante. Car la dernière caractéristique remarquable de cette chanson, c’est son succès durable, attesté par une multitude d’éditions et d’enregistrements. Encore aujourd’hui, tout le monde la connaît, certes pas sous sa forme intégrale, mais au moins dans son refrain et dans sa trame. Pourquoi et comment est-elle devenue banale ? Peut-on la réduire à son timbre, qui a, dès le XVIIIe siècle, connu de multiples emplois ? Quelles sont les raisons de sa fortune historique ? C’est ce que je vais essayer d’éclairer dans les lignes qui suivent. Je montrerai d’abord comment la chanson est devenue populaire, comment elle a été utilisée, avec quels infléchissements sémantiques, en particulier dans les domaines littéraire et politique, dès la fin du XVIIIe siècle. Je m’intéresserai ensuite à l’enquête historique dont elle a fait l’objet, dans le cadre d’une recherche des origines nationales à travers le témoignage des chansons populaires. Je reviendrai à cette occasion sur l’origine hypothétique et légendaire de la chanson de Malbrouck, et sur les doutes suscitées aujourd’hui par ces hypothèses. Enfin, j’expliquerai comment la chanson a perdu une partie de son sens, notamment de son sens politique, dès la fin du XIXe siècle, en devenant une chanson enfantine, et je montrerai ce processus à l’illustration des recueils de chansons. Une chanson populaire 7La chanson de Malbrouck s’enracine probablement dans le XVIIe siècle. Son succès est plus tardif ; ce n’est qu’à partir des années 1780 qu’elle commence à circuler, mais avec une grande intensité et dans différentes directions. En 1783, elle est apparemment sur toutes les lèvres ; le nom de Malbrouck sert à baptiser toutes les nouveautés, des rubans, des coiffures, des chapeaux féminins. Du Mersan mentionne une pantomime sur la théâtre de Nicolet en 1783. La vogue de la chanson entraîne également une insistance nouvelle sur le registre burlesque, allant parfois jusqu’à l’obscène » dans le théâtre de foire et de carnaval Delon, 1988 62. 8Le 10 juin 1784, lorsque meurt un spadassin du nom de Tricot, qui racolait les soldats, ses camarades, qui veulent lui faire un convoi pompeux mais gratis » Fournier, 1862 231, recourent à la chanson. Ils menacent le curé de Saint-Nicolas-des-champs et entrent de force dans son église, où ils placent le cercueil sur deux chaises, en font trois fois le tour, en chantant à tue-tête, comme De profundis, la chanson de Malborough, et se retirent enfin, après ce bel office. » 9Cependant, en 1784, dans Le Mariage de Figaro, Beaumarchais fait chanter à Chérubin sur l’air de Malbrouck sa fameuse romance acte II, scène V qui commence par Mon coursier hors d’haleine Que mon coeur, mon coeur a de peine ! J’errai de plaine en plaine Au gré du destrier. » 10Cette romance comprend huit couplets et raconte l’histoire d’un page solitaire et désolé qui songe à sa marraine qu’il adorait et qu’il a apparemment perdue ; en larmes, il s’arrête près d’une fontaine et grave son nom à elle sur un arbre. Le roi passe avec son équipage et la reine lui demande ce qui le met en peine ; elle s’offre à devenir sa marraine et à le marier un jour à la fille d’un capitaine, mais il refuse, préfèrant mourrir de cette peine mais non s’en consoler ». 11Dans l’usage qu’en fait Beaumarchais, le recours à l’air de Malbrouck manifeste le choix d’un air ancien, connu et naïf, qui convient à l’expression stylisée d’un sentiment sincère » Chérer, 1966 139. Le refrain, dépourvu de sens dans la chanson traditionnelle, est remplacé ici par un autre dont la tristesse se communique directement à l’auditeur. La couleur est cherchée dans un Moyen-Age de convention ». Cet usage donne incontestablement à l’air de Malbrouck une dignité et une tristesse élégiaque. 12De son coté, Restif de la Bretonne, à plusieurs reprises, tire l’air du côté de la sensiblerie larmoyante. Mais par la suite, la chanson est le plus souvent connotée de façon grivoise, dans les comédies et les vaudevilles qui parodient la pièce de Beaumarchais dans les années 1790. Malbrouck y fait partie des airs fréquemment employés ou réutilisés sur d’autres paroles. 13En dehors des frontières nationales, la chanson connaît également une grande vogue, qui s’étend jusqu’en Russie au début du XIXe siècle Coirault, 1942 35. Goethe l’entend à Vérone. Elle est signalée en Egypte par Chateaubriand, au dire de Weckerlin. Le poète prétend avoir entendu l’air en Orient, où il estime qu’il fut apporté par les Croisés de Godefroid de Bouillon. Les Arabes le chantent encore, et l’on prétend que leurs ancêtres l’avaient appris à la bataille de Massoure, où les frères d’armes du sire de Joinville la répétaient en choquant leurs boucliers et en poussant le cri national Montjoie Saint Denis ! », selon le bibliophile Jacob Loquin, 1843. La chanson est aussi passée au Canada. Suivant R. Lappara, on la chante en Castille, en Angleterre, aux Etats-Unis, chaque pays la croit sienne » Lavignac, 1920-1931 t. 4/35 note, et il en existe encore des dérivés. 14C’est cette renommée rapide et durable qui amène les auteurs de chansons à recourir fréquemment au timbre de Malbrouck sous la Révolution. Constant Pierre, dans son ouvrage de référence Pierre, 1904, en répertorie douze emplois pendant cette période, dont quatre en 1791 et trois en 1792. Commentant en général l’emploi de ces timbres, Constant Pierre montre bien que le recours généralisé qui y est fait – sur 3000 chansons révolutionnaires, seules 150 comportent une musique nouvelle – correspond surtout à la popularité de l’air et au goût commun pour le chant. Le chansonnier le recueil use de la musique comme simple véhicule, moyen mnémotechnique, d’où des contradictions nombreuses entre le sens des chansons originales et le choix de paroles nouvelles, et l’absence d’analogies systématiques de sujets et de situations. C. Pierre souligne aussi l’importance des refrains, comme moyen de faire participer tout le monde et de diffuser des messages politiques, moyen dont tirera parti, plus tard, le célèbre Béranger Schneider, 1988. L’air utilisé renvoie bien sûr à notre chanson, mais parfois dans la version de Beaumarchais. Ainsi, dans la Disgrâce des triumvirs » Pierre, n° 1968, où Barras s’en va-t-en guerre, le vers refrain, Juste ciel, mon coeur tremble et se serre », évoque plutôt la romance de Chérubin que la chanson de Malbrouck proprement dite. M. Delon ajoute au recensement de C. Pierre un vaudeville de 1789, L’Assemblée des notables, qui parodie également cette romance Delon, 1988 60. 15Cependant, le thème des chansons issues de Malbrouck sous la Révolution est parfois directement en rapport avec le thème initial, soit comme convoi funèbre, soit surtout comme modèle de dérision sentimentale, politique ou xénophobe Delon, 1988. Dans la Complainte sur la mort imprévue de l’empereur Léopold II au moment où il allait déclarer la guerre à nos très chers et bons amis les jacobins » Pierre, 1904 n° 606, la dérision s’attache à l’empereur d’Autriche, croqué en Attila moderne. Dans la Complainte de Marie-Antoinette dans sa tour » Pierre, 1904 n° 765 on a affaire à une sorte de démarquage de la chanson initiale où une dame guette le retour de son époux ; Marie-Antoinette dans la tour du Temple tient le rôle de la dame éplorée, dont la chanson raconte la défaite », ainsi que celle de son époux Louis Veto aujourd’hui roi zéro, mais toujours gras et gros ». La dérision n’est pas forcément anti-royaliste. La Chanson sur la mort du père Duchesne et le partage de sa sucession » Pierre, 1904 n° 1271 est une œuvre contre-révolutionnaire, mais il existe aussi une chanson babouviste sur l’air de Malbrouck, le Père Duchêne ressuscité », qui, sans détour ni parodie, appelle la nation à se reprendre, à relever l’assemblée primaire » et à vivre libre ou mourir » Delon, 1988 61. 16On retrouve dans d’autres chansons contemporaines des thèmes de dérision xénophobe, notamment dans une Chanson en l’honneur du citoyen Bonaparte », composée au lendemain du 18 brumaire, qui comprend, elle aussi, le mironton, ton, ton, mirontaine ». Weckerlin note pour sa part que, dans sa Symphonie de la victoire, dont le héros est Wellington, Beethoven a personnifié les Anglais par l’air de Rule Britannia », et les Français par l’air de Malbrouck ; était-ce une ironie ? » Weckerlin, 1885 42-46. Mais M. Delon montre aussi que la dérivation sur une cible étrangère [généralement anglaise ou germanique] n’épuise pas la force contestataire de la chanson, qui peut toujours se retourner contre les illusions du militarisme » ; ce sera son principal usage au XIXe et au XXe siècles. 17Au XIXe siècle, la chanson de Malbrouck est surtout prétexte à comédie et à dérision Delon, 1988 69-71. Dans les années 1830 et 1840, elle est illustrée par une pièce comique donnée aux Variétés en 1834, reprise avec succès aux Folies dramatiques en 1843 Du Mersan, 1847. Dans un opéra bouffon du Second Empire, elle donne la trame d’une sorte de marivaudage dans lequel le général anglais, déguisé en ménestrel, courtise la servante, tandis que sa femme se laisse conter fleurette par un certain Lord Boul de Gomme, le mariage projeté par la prétendue veuve n’étant interrompu que par le retour de Malbrouck. 18Dans les annales théâtrales du XXe siècle, c’est surtout dans un sens antimilitariste que l’on utilise la référence. Malbrough s’en va-t-en guerre est le titre d’une pièce de Marcel Achard, montée en24 par Louis Jouvet, où l’auteur veut chanter sur un autre air » la chanson, en dénonçant les héroïsmes inutiles » et en opposant à la version officielle et grandiloquente de la mort de Malbrouck la réalité, où il a été frappé d’une balle dans le dos alors qu’il fuyait. La même année, une autre pièce portant le même titre est imprimée, qui ironise à son tour sur les valeurs guerrières. 19Si l’on suit la chanson entre 1780 et 1930 grosso modo, on se rend compte que sa diffusion, considérable, loin de l’épurer ou de la fixer, en multiplie les virtualités. Le travail savant dont elle fait alors l’objet la transporte cependant sur un autre terrain, et contribue à une nouvelle métamorphose. De chanson populaire », traditionnelle » – autant de termes ambigus et délicats à définir Guilcher, 1985 62-65 – elle devient chanson historique », quasi-archive. Une chanson historique 20Dès le XIXe siècle, tandis que la circulation de la chanson se poursuit, elle commence parallèlement à faire l’objet d’un intérêt savant. La chanson populaire reste importante dans les chansonniers destinés au grand public, mais elle constitue en effet un genre nouveau dans la recherche érudite. 21Dès les années 1780, l’idée d’une enquête à mener dans des cadres régionaux et en milieu populaire était en germe, mais pas encore clairement formulée. Cependant, c’est alors que Moncrif, La Place et leurs continuateurs engagèrent les chercheurs dans une direction fausse, en leur indiquant comme objet des chansons à contenu historique et légendaire, et non, comme le feront plus tard les folkloristes, la chanson en tant qu’elle constitue un art distinct. Ainsi, l’Académie celtique de 1807 s’y intéresse à la faveur d’un malentendu qui la rattache à une civilisation éteinte Guilcher, 1985 44. 22Dans les années 1840, ce sont surtout les publications de Loquin, Du Mersan, Leroux de Lincy, puis de Nisard, qui mettent en valeur la chanson de Malbrouck comme un témoignage historique. Dans le recueil de Loquin, qui présente à la fois les productions les plus réussies des auteurs d’opéras comiques et de chansonniers contemporains, les naïves romances » et les touchantes complaintes de nos aïeux », Malbrouck est la première pièce mentionnée. Elle est présentée comme une immortelle bouffonnerie », une burlesque Iliade » Loquin, 1843 introduction de Delloye, une facétie historique » Loquin, 1843 présentation de la chanson par le bibliophile Jacob. Les chansons populaires de ce genre sont censées fournir une histoire chantée de la vie guerrière et civile, des mœurs, usages, opinions, travers de chaque époque ». Du Mersan, qui procède avec le même éclectisme, remonte à Thibault de Champagne comme au premier père de la chanson française » Du Mersan, 1847 5. Il donne également la première place à Malbrouck, en reprenant à son sujet les mêmes hypothèses. Il évoque une autre chanson plus ancienne sur ce personnage, trouvée dans le recueil manuscrit de chansons historiques fait pour M. de Maurepas Du Mersan, 1847 26, et ajoute que Bonaparte la chantait à chaque campagne, et l’aurait même fredonnée sur son lit de mort Du Mersan, 1847 27. Nisard classe celle de Malborough dans les chansons historiques religieuses, militaires et satiriques » qu’il aborde par ordre chronologique, de l’Antiquité à la Révolution, dans le chapitre qui va de Louis XII à Henri IV » cf. Klein, 1989 63. C’est encore le cas pour Julien Tiersot, qui voit dans Malbrouck le type de la chanson historique française » Tiersot. 23En somme, au XIXe siècle, la chanson de Malbrouck est prise en considération par les érudits essentiellement comme témoignage, et presque comme source. De ce fait, l’origine de la chanson donne lieu à toutes sortes de conjectures, et aujourd’hui encore, l’unanimité n’est pas faite à ce sujet. La chanson de Malbrouck fait référence, apparemment, à un personnage historique John Churchill, duc de Marlborough, un célèbre général anglais qui s’est illustré dans la guerre contre Louis XIV 1650-1722, et dont le nom a été plus ou moins simplifié au cours de la diffusion de l’air sous la forme Malbrough », Malbrouck » ou Malbrou ». Pour les premiers commentateurs de la chanson, il ne fait pas de doute que ce soit ce personnage dont elle parle effectivement, et ils l’attribuent donc à un soldat contemporain, ou du moins situent son origine dans les milieux militaires, ce qui expliquerait le ton satirique du morceau. Comme le duc de Malborough est mort en 1722, on a d’abord daté la chanson de cette année. Mais comme il était alors à la retraite et mourut benoîtement dans son lit d’une attaque d’apoplexie, on a rapidement lié la chanson à une précédente campagne. 24Selon le bibliophile Jacob, qui commente la chanson dans le recueil de Loquin, comme pour Du Mersan 1843 et pour Doncieux 1904, elle aurait été composée à l’occasion de la bataille de Malplaquet le 11 septembre 1709, que devait gagner ce général, mais qui fut un instant indécise, et où l’on put le croire mort. Un troupier en verve » l’aurait improvisée, quelque chansonnier badin lui fit cette oraison funèbre au bivouac du Quesnoy, pour se consoler de n’avoir pas de chemise et de manquer de pain depuis trois jours ainsi va l’esprit français ». D’autres hypothèses, plus fantaisistes, ont été parfois évoquées Sarrepont, 1887 39-41 ; la chanson reste dans le domaine de la création militaire. 25En fait, elle ne s’est manifestée que dans les années 1760 ou 1770, date approximative à laquelle elle a été imprimée par Valleyre dans un petit recueil. L’air est employé par Favart dans ses Rêveries renouvelées des Grecs, pièce représentée le 26 juin 1779 et imprimée la même année par Lormel. On sait surtout qu’elle fut chantée par la nourrice du Dauphin en 1781, une certaine dame Poitrine, et c’est de là que date sa véritable vogue. Selon Coirault, il est bien possible que loin de l’avoir apportée à la cour, Mme Poitrine l’ait d’abord entendue à Paris ou à Versailles, ou que Marie-Antoinette la lui ait chantée la première, et que toute cette histoire ne soit qu’une légende Coirault, 1942 35 note. La chanson serait alors l’auteur de quelque chanteur du Pont-neuf, peut-être Duchemin. Selon Bachaumont cf. Klein, 1989 64, ce fut un autre chanteur du Pont-neuf, Baptiste, dit le Divertisssant, qui contribua le plus, de toute la force de son gosier, au réveil populaire de la vieille chanson de Malbrough ». Comme on ne sait rien de la fameuse dame Poitrine, Loquin a même suspecté Beaumarchais d’être l’auteur de la complainte et de l’avoir répandue au prix d’une supercherie. 26L’origine de la chanson fait au XIXe siècle l’objet de spéculations encore plus hasardées, dans la mesure où les chercheurs lui trouvent deux précédents, qui l’enracinent dans une époque très antérieure au XVIIIe siècle, et qui font, elles aussi, référence à des personnages historiques le duc de Guise et le prince d’Orange. Dans la chanson du prince d’Orange, attestée par un chansonnier manuscrit des années 1730-1740, on voit le thème tout à fait élaboré le prince part à la guerre, et doit revenir à Pâques ou à Noël. A sa femme qui l’attend, un messager apporte la nouvelle de sa mort, et dit qu’il l’a vu porter en terre par quatre Cordeliers ». Comme il s’agit de Philibert d’Orange 1502-1530 et du siège de Saint-Dizier par Charles Quint 1544, la rédaction peut remonter au XVIe siècle. 27Le thème de l’enterrement burlesque est attesté d’autre part dans la chanson sur le convoi du Duc de Guise mort en 1563, dans laquelle le prince est mort et enterré, et où l’on raconte la cérémonie, qui se conclut par le fait que chacun s’en va coucher, les uns avec leurs femmes et les autres tout seuls ». Leroux de Lincy en donne une version dans le volume de son recueil concernant le XVIe siècle Leroux de Lincy 287, qui présente quelques variantes par rapport à notre chanson ce sont des gentilhommes » qui portent son casque, ses pistolets, son épée qui tant d’huguenots a tués ». Mais cette dernière chanson n’a été imprimée qu’après la publication de Malbrouck, dans le recueil de La Place, Pièces intéressantes et peu connues pour servir à l’histoire de la littérature, paru à Bruxelles et à Paris en 1785. L’auteur y livre quelques réflexions sur les anciennes romances » La Place, 1785 286, où il s’étonne de leur rareté en France, par opposition à leur abondance parmi les peuples voisins, et appelle à leur collecte. A titre d’exemple, il en reproduit deux, la chanson faite sur le convoi funèbre du Duc de Guise, dont il souligne la ressemblance avec la fin de la chanson de Malbrouck, et la chanson du Comte Orry et des nonnes de Farmoutier, une composition de son crû, à partir de prétendus vestiges d’une ancienne chanson régionale du XIVe ou du XVe siècle Guilcher, 1985 37. 28Pour les chercheurs du XIXe siècle, la chanson de Malbrouck tire incontestablement de ces précédents une valeur d’archive et un grand prestige. Ils élaborent diverses hypothèses pour relier l’une à l’autre les chansons et expliquer les voies de leur transmission et de leur métamorphose. Selon Nisard Nisard, 1867 276 sq., la chanson a été faite en premier lieu par des soldats huguenots à l’occasion de la mort du Duc de Guise en 1563 et s’est conservée dans les armées, où elle était chantée avec des variantes toutes les fois qu’il venait à mourir quelque général d’importance ». Puis, à la fin des guerres civiles, la chanson suivit dans leurs provinces les soldats licenciés et y vécut, comme eux, de la vie civile, se perpétuant dans le casernes et dans les campagnes tout au long du XVIIe siècle. Se demandant comment la chanson du duc de Guise est devenue celle de Malbrouck, Nisard ajoute que les paroles de notre chanson au sentiment de quelques-uns, seraient l’oeuvre des soldats de Villars et de Boufflers, lesquels n’auraient fait que les appliquer plus ou moins fidèlement au général anglais après la bataille de Malplaquet [1709] puis après sa mort en 1722 ». 29Cette cristallisation sur la personne de Malborough est plausible si l’on se rappelle que le général anglais, passant pour un nécromancien qui avait d’intimes liaisons avec le diable, avait traumatisé la conscience collective et donné lieu à toute une affabulation paysanne Delon, 1988 61. Faute de pouvoir le vaincre, on l’aurait chansonné. On [n]’avait certainement pas oublié [la chanson], mais on avait peut être perdu l’habitude de la chanter, ou l’on n’en avait pas trouvé l’occasion, lorsqu’en 1781, soixante ans après la mort de Malborough, Madame Poitrine, nourrice du dauphin, la chanta en allaitant son nourrisson ». 30Les savants ultérieurs seront beaucoup plus circonspects. Doncieux voit déjà dans la chanson sur le convoi du Duc de Guise non une source, mais une imitation de Malbrouck. Coirault, qui croit en avoir retrouvé des traces antérieures, notamment en Poitou, maintient que la chanson du Duc de Guise a été composé d’abord, mais la plupart des versions que l’on connaît sont tributaires de l’arrangement de la Place. Claude Duneton Duneton, 1998 53-54 trouve pour sa part l’hypothèse de Coirault hasardée. 31Quoi qu’il en soit, les trois chansons suivent effectivement un schéma narratif très semblable, ce qui laisse à penser que l’on est en présence d’un texte passe-partout, ayant servi successivement pour les trois personnages, en donnant à chaque fois matière à réfection. Le traitement burlesque d’une situation tragique, la mise bout à bout de thèmes connus isolément, le dénouement à rallonges, sont autant d’indices d’usure » Davenson, 1946 n° 80. On a évidemment affaire à une réfection tardive de thèmes beaucoup plus anciens », où certains ont trouvé des vestiges du Moyen-Age. Ainsi, F. Génin, recopié par Pierre Larousse, voit l’origine du Malbrouck dans une pièce du Romancero espagnol, La chanson de Mambrou, qui met en scène les personnages connus la dame, le croisé attendu, la page ou le compagnon d’armes qui revient avec la nouvelle de sa mort. Selon Davenson, le thème initial remonte bien au Moyen Age ; il est attesté à l’état embryonnaire par une chanson de toile de la première moitié du XIIe siècle, Belle Doete as fenestres se siet ». 32Que conclure de toutes ces conjectures sur l’origine de la chanson ? Il est frappant qu’au XIXe siècle, on se soit intéressé à elle pour des raisons historiques ». On a voulu y voir une sorte de chanson de geste moderne plus moderne en tous cas que la Chanson de Roland » !. Sa célébrité savante a été dûe à cette caractéristique-là, même si sa popularité avait d’autres racines. De l’archive au signe interpétations, illustrations 33Ce n’est que vers le Second Empire que l’on commence à relativiser l’aspect historique ; les chansons populaires reçoivent alors droit de cité dans les ateliers d’artistes et dans les salons bourgeois. Elles font l’objet en 1852 d’une collecte nationale, impulsée par le ministre Fortoul, menée sous les auspices d’une commission d’érudits, qui vise à la fois à rassembler et à épurer » le répertoire. Il faut quelques années à cette commision pour réviser ses critères de sélection. 34Elle manifeste initialement un intérêt particulier pour les romances narratives. Elle définit la catégorie de poésies historiques » comme celles qui célèbrent un fait mémorable, un homme illustre ou même qui, sous des noms imaginaires, peignent vivement la situation morale ou politique d’un temps » Cheyronnaud, 1997 108. Citant le roi Dagobert, puis La Palisse, elle ajoute Quand à Lord Marlborough, il a trouvé aussi chez nous la célébrité populaire dans une chanson qu’il faut bien se garder de repousser, car elle est évidemment un débris d’un chant plus ancien, qui remonte au Moyen-Age, comme l’indiquent quelques traits de moeurs féodales et chevaleresques, débris auquel on a associé, dans le dernier siècle, le nom du vainqueur de Blenheim » Cheyronnaud, 1997 109. Quelques paragraphes plus loin, elle poursuit La chanson du duc de Guise est aussi un souvenir de l’époque des guerres de religion ; elle est curieuse comme présentant dans quelques détails un degré intermédiaire entre l’ancien chant du Moyen-Age, aujourd’hui perdu, qui a été le type primitif de la chanson de Malbrouck et cette chanson elle-même, laquelle, bien que rapportée à un personnage plus moderne, a conservé des traits d’une date plus reculée » Cheyronnaud, 1997 111. Dans le dépouillement des réponses fait entre 1853 et 1857 on trouve en effet plusieurs versions de la chanson du duc de Guise, dont deux variantes » sur le prince d’Orange. 35L’envoi par M. Le Clerc, recteur du département de la Somme, d’une complainte de Tournay » concernant la mort d’Adolphe, duc de Gueldre, montre la façon de procéder de la commission, qui trouve dans l’Art de vérifier les dates que le duc fut tué en juin 1477 et en conclut que la complainte dont il s’agit remonte au XVe siècle, ajoutant ... si on remarque qu’elle était encore chantée il y a peu de temps par un vieux batelier de Ham-sur-Somme, on admettra certainement que peu de chansons populaires offent au même degré le caractère de poésie historique, et peuvent prétendre à une origine aussi ancienne » Cheyronnaud, 1997 190. De même, Ampère appelle dans ses Instructions à ne négliger ni les refrains isolés, ni les rondes chantées par les enfants, car elles peuvent contenir des traits qui prouvent, soit leur antiquité, soit une origine étrangère » Cheyronnaud, 1996 146. 36Mais en mai 1855, un débat s’élève sur cette façon de dater les pièces, et la commission appelle ses correspondants à moins se préoccuper du caractère historique des morceaux » Cheyronnaud, 1997 214. Il est remarquable qu’alors même que la commission mise sur pied par Fortoul opère dans les chanson populaires un tri et une hiérarchie qui en élude le contenu politique au seul profit du contenu historique et folklorique, Victor Hugo utilise pour sa part la chanson de Malbrouck dans un tout autre sens, en lui donnant dans le recueil des Châtiments une place de choix. Dès avant son exil, Hugo est l’un des rares poètes dont l’esthétique présuppose une philosophie de l’histoire. Dans celle-ci, le peuple est le vrai sujet de l’histoire, ce qui invite à chercher en lui à la fois les sujets littéraires et le public, pour essayer de réaliser la fusion des deux cultures Biermann, 1988. Les nombreuses chansons que l’on trouve dans les Châtiments 1853 puis dans les Chansons des rues et des bois 1859 sont à analyser dans ce contexte. 37Charles Péguy fait de cette référence un très long commentaire dans Clio Péguy, 1932. Il désigne dans ce poème une castigation funèbre entre toutes » Péguy, 1932 58, la plus funèbre Danse macabre, qui ait jamais été peinte, sculptée, contée, chantée » Péguy, 1932 60, de toutes les Danses macabres, celle qui est la moins indigne du Dies irae » Péguy, 1932 64. Par cette référence chrétienne, Péguy souligne la valeur du poème, valeur non pas littéraire mais métaphysique. De ses plus récentes colères, [Hugo] a fait une oeuvre antique, de ses précaires, de ses temporaires, de ses passagères, de ses périssables colères politiques il a fait une oeuvre éternelle » Péguy, 1932 61. Il commente longuement la technique de Hugo, le refrain intérieur commandant chacun des couplets Paris tremble, ô douleur, ô misère », qui procède directement de celui de Malbrouck, et le retournement du vers cardinal, au dernier moment, sur lui-même. Dans ce convoi de dix-huit strophes », le rythme est donné par l’air traditionnel. Là aussi, il voit un trait de génie Péguy, 1932 59. Il n’y a que les maîtres du rythme qui trouvent ainsi dans le commun, sur le marché des valeurs, de ces airs traditionnels qui commandent ainsi toute une réussite ». 38Au milieu du XIXe siècle, la chanson de Malbrouck est donc valorisée par l’usage qu’en fait Hugo, mais elle continue aussi de faire partie du répertoire populaire, où elle perd peu à peu tout sens politique. Elle devient au XXe siècle une chanson enfantine, par un processus auquel les recherches évoquées plus haut ne sont pas étrangères. En effet, la définition d’un corpus de ces chansons en France est tardive, par opposition à la prosperité du genre outre-Manche Cousin, 1988 19. Les chansons enfantines sont un écho du répertoire des grandes personnes, plus ou moins démarqué, adapté ou abandonné aux enfants par satiété ou usure » Davenson, 1946 58. Il ne comprend presque rien qui soit d’origine populaire, sauf quelques berceuses, et d’une façon générale il se compose des scies à la mode dans le Paris des années 1780-1800 » Davenson, 1946 60. 39Ce corpus est fixé pour l’essentiel entre 1840 et 1880, et varie peu de Du Mersan 1843 à Boutet de Monvel 1885. Il comprend un noyau d’une trentaine de chansons dont le succès ne se dément pas pendant un siècle et demi ; près de la moitié sont des rondes, destinées à accompagner les activités ludiques, les autres étant plus diverses, quoi que souvent chansons à récits. Le changement de public entraîne parfois un changement de style. Plusieurs chansons à double entente ne sont plus entendues qu’au sens littéral. Les chansons longues sont réduites à leurs premiers couplets, Malbrouck en particulier ne comporte plus que 14, 16 ou 20 couplets, ou donne lieu à des versions abâtardies, quand l’air n’est pas seul repris pour des chansons didactiques Cousin, 1988 130. 40L’illustration de la chanson contribue elle aussi à en fixer et à en modifier le sens. Il est frappant de voir comme au fil du temps le motif sentimental l’emporte sur le thème militaire. Dans l’édition de Loquin Loquin, 1843, toute une série de gravures raconte l’histoire la première représente un général en armure avec un casque à panache, à cheval, un sabre à l’épaule, précédé de tambours et de soldats armés, suivi de hallebardiers, tous en costume du XVIIe siècle. Au fond, on aperçoit deux hérauts et un chevalier, d’époque plus incertaine. Sur la seconde gravure, un page en noir fait la révérence devant une grosse dame, qui pleure dans son mouchoir, et de ses deux suivantes, au sommet d’une tour crénelée. La troisième figure le convoi funèbre, avec quatre officiers portant les armes de Malbrouck, précédés d’un tambour, et suivis de son cheval, caparaçonné de noir, et de soldats. Sur la dernière, sorte de parodie de la Résurrection, on voit l’envol de l’âme de Malbrouck, qui suscite l’effroi des assistants. En marge, chantent des badauds, illustrant probablement la popularité ultérieure de la chanson. Ce sont ces images qui seront reprises dans les Chansons et danses enfantines de Weckerlin Paris, Garnier, 1885, dans l’illustration en couleurs de Boutet de Monvel, rééditée encore aujourd’hui. 41L’image d’Epinal popularise aussi la chanson, et diffuse sa légende. Sur celle qui représente la mort et le convoi de Malbrouck, figurent non seulement les vingt-deux couplets de la chanson, et les images qui les illustrent, mais aussi une notice sur le personnage, pleine d’inexactitudes, ou plutôt de conventions, puisqu’elle le fait mourir en 1723 à Malplaquet alors que la bataille de Malplaquet a eu lieu en 1709 et que le général est mort l’année précédente dans son lit. 42Au XXe siècle, dès les années trente, le boudoir concurrence le champ de bataille. Dans l’ Album Yo-Yo » de 1932, plusieurs gravures accompagnent la chanson. La première représente les dames privées de leurs époux s’ennuyant au salon ; dans la seconde elles sont sur la tour scrutant l’horizon. La troisième image met en scène l’annonce de la mauvaise nouvelle et l’évanouissement de Mme Malbrouck, la quatrième la mort de Malbrouck sur le champ de bataille il est frappé par un projectile et tombe à la renverse de sa monture. Les images suivantes figurent respectivement les funérailles, le personnage affligé qui ne porte rien », la tombe gardée par un soldat. 43Après 1945, chaque éditeur de livres pour enfants se doit d’avoir son album d’images, avec des partitions et des paroles des chansons. Ces livres sont joyeux, la guerre et la mort y sont de plus en plus discrets. Dans l’illustration, les perruques, rubans et tricornes, restent Louis XV, mais les visages sont de plus en plus enfantins ; les couleurs franches et parfois criardes remplacent les pastels et aquarelles » Bustarret, 1986 70. Parfois, l’histoire repousse la légende. Dans un album Poncet, 1951 93, une femme se penche à la fenêtre d’une tour ; en bas, on aperçoit la silhouette d’un autre personnage, sans doute Malbrouck venant rassurer son épouse et lui montrer qu’il est bien vivant. D’autres fois l’histoire perd toute réalité, on entre dans un jeu Bustarret, 1986 71. Dans les livres les plus actuels, d’une part Malbrouck ne figure pas toujours, même dans les recueils de chansons traditionnelles, d’autre part on représente plus volontiers la dame à sa tour que le militaire. Elle est jeune et jolie, parfois adolescente, et habillée de couleurs pastel. La guerre n’est plus évoquée qu’indirectement, par des cartouches figurant des insignes ou des armes. 44Au terme de ce parcours, on mesure la richesse polysémique de la chanson, la largeur du prisme historique et social qu’elle fournit. Après deux siècles d’enquêtes historique, une chanson aussi connue que celle de Malbrouck garde une part de son mystère. On ne sait pas avec certitude si elle est l’invention d’un soldat ou celle d’un auteur lettré, une chanson du XVIIIe siècle ou une copie de chanson plus ancienne, qui serait passée du registre noble et élégiaque au registre populaire et burlesque. On ne comprend pas complètement les raisons de son succès. Est-il seulement dû à ce que son refrain était facile à répéter en cœur Nisard, 1867, 274 ? A sa vogue à la cour de Marie-Antoinette ? A son statut de chanson historique ? 45Dans son commentaire du poème des Châtiments, Péguy le qualifie de chef d’oeuvre inconnu, oublié, méconnu », dans cette œuvre célèbre de ce célèbre poète. C’est une chanson, dit-on, et on passe . Erreur ! Rien n’est aussi profond que la chanson populaire » Péguy, 1932 83. Péguy trouve remarquable que ce même air ait servi à la fois à Beaumarchais et à Hugo, pour ce qu’il y a peut-être de plus gracieux et pour ce qu’il y a peut-être de plus terrible dans l’histoire des lettres françaises » Péguy, 1932 59. Ainsi, la vieille chanson ... a poussé une romance et une danse macabre. La vieille souche a poussé d’une part une tige et une feuillaison du plus jeune printemps. Et d’autre part elle a poussé ce tronc blanchi d’hiver et de mort » Péguy, 1932 82. Contrariété qui n’est qu apparente, où l’auteur voit l’ordre, la nature, le vieillissement temporel » Péguy, 1932 82, et qui n’est possible qu’à condition que cette antique, cette première souche soit elle-même une souche naturelle, une antique souche populaire ». Or, de toutes ces souches naturelles, de toutes les souches populaires, nulle ne sera jamais aussi féconde, c’est-à-dire aussi pleine d’avance de vie et de mort que nos vieilles chansons populaires » Péguy, 1932 83. Seul un esprit frivole » pourrait traiter légèrement notre vieux Malbrou », où tout était déjà ». 46Bien sûr, on ne peut plus adopter telle quelle la position de Péguy, et la foi dans le génie populaire qui va avec, foi si enracinée dans le XIXe siècle. Mais ses affirmations ont le mérite de souligner l’intérêt historique du matériau chanson. Une chanson comme celle de Malbrouck, dans l’histoire de ses métamorphoses, de ses interprétations, est indissociable de son contexte d’expression et de signification. Certes, elle est un sens, une idée directrice, plutôt qu’elle n’est un assemblage fixe de mots choisis Coirault, 1942 44. Une telle poésie est plus spirituelle que matérielle, plus substance que forme. Mais ce sens lui même n’est pas univoque ; loin d’être un fossile, un objet, la chanson est finalement plutôt de l’ordre du signe, et peut-être du symbole. 1. Malbrough s’en va-t-en guerre, Mironton, mironton, mirontaine, Malbrough s’en va-t-en guerre, Ne sait quand reviendra. x3 2. Il reviendra z’à Pâques Mironton, mironton, mirontaine, Il reviendra z’ à Pâques, Ou à la Trinité. x3 3. La Trinité se passe Mironton, mironton, mirontaine, La Trinité se passe, Malbrough ne revient pas. x3 4. Madame à sa tour monte, Mironton, mironton, mirontaine, Madame à sa tour monte, Si haut qu’elle peut monter. x3 5. Elle aperçoit son page, Mironton, mironton, mirontaine, Elle aperçoit son page, Tout de noir habillé. x3 6. Beau page, ah ! Mon beau page, Mironton, mironton, mirontaine, Beau page, ah ! Mon beau page, Quelles nouvelles apportez ? x3 7. Aux nouvelles que j’apporte, Mironton, mironton, mirontaine, Aux nouvelles que j’apporte, Vos beaux yeux vont pleurer. x3 8. Quittez vos habits roses, Mironton, mironton, mirontaine, Quittez vos habits roses, Et vos satins brochés. x3 9. Monsieur Malbrough est mort, Mironton, mironton, mirontaine, Monsieur Malbrough est mort, Est mort et enterré. x3 10. J’l’ai vu porté en terre, Mironton, mironton, mirontaine, J’l’ai vu porté en terre, Par quatre z’officiers. x3 11. L’un portait sa cuirasse, Mironton, mironton, mirontaine, L’un portait sa cuirasse, L’autre son bouclier. x3 12. L’un portait son grand sabre, Mironton, mironton, mirontaine, L’un portait son grand sabre, L’autre ne portait rien. x3 13. À l’entour de sa tombe, Mironton, mironton, mirontaine, À l’entour de sa tombe, Romarin fut planté. x3 14. Sur la plus haute branche, Mironton, mironton, mirontaine, Sur la plus haute branche, Un rossignol chantait. x3 15. On vit voler son âme, Mironton, mironton, mirontaine, On vit voler son âme, À travers les lauriers. x3 16. Chacun mit ventre à terre, Mironton, mironton, mirontaine, Chacun mit ventre à terre, Et puis se releva. x3 17. Pour chanter les victoires, Mironton, mironton, mirontaine, Pour chanter les victoires, Que Malbrough remporta. x3 18. La cérémonie faite, Mironton, mironton, mirontaine, La cérémonie faite, Chacun s’en fut coucher. x3 19. Les uns avec leurs femmes, Mironton, mironton, mirontaine, Les uns avec leurs femmes, Et les autres tout seuls ! x3 20. Ce n’est pas qu’il en manque, Mironton, mironton, mirontaine, Ce n’est pas qu’il en manque, Car j’en connais beaucoup. x3 21. Des blondes et des brunes, Mironton, mironton, mirontaine, Des blondes et des brunes, Et des châtaignes aussi. x3 22. J’n’en dis pas davantage, Mironton, mironton, mirontaine, J’n’en dis pas davantage, Car en voilà z’assez x3 Chanson française traditionnelle du XVIIIème siècle